Les années 2010 ont marqué le début d’une nouvelle dynamique pour la mode dite africaine. Alors que jusque là, elle était principalement caractérisée par les stylistes et créateurs qui proposaient des pièces uniques et sur mesure, elle a pris un tournant avec la création des premières marques de prêt-à-porter.

Ceux qui ont suivi cette époque se rappellent peut être de certaines marques précurseuses comme Boxing Kitten (US) ou encore Sika Designs (UK)

Les imprimés wax ont porté cette dynamique de créativité et d’entrepreneuriat. Partout, en Europe, aux US et sur le continent africain, de nombreuses marques se sont lancées en exploitant à l’infini les déclinaisons du wax.

Vêtements, accessoires, décoration, chaussures,…le wax a suscité des vocations et mené plusieurs sur le chemin de l’entrepreneuriat.

Ainsi, les années 2012 à 2017 ont connu des lancements de nombreuses marques.

En cette fin de décennie et début de la suivante, force est de constater que ces marques n’ont pas toutes survécues; et cela n’a rien de surprenant. Voici quelques statistiques parlantes (en France)

  • Un peu plus d’un tiers des auto-entreprises fonctionnent encore après 3 ans d’existence (données de 2019)
  • Taux de pérennité moyen d’une entreprise à 3 ans: 66% (données de 2016)
  • Taux de pérennité moyen d’une entreprise à 5 ans: 50% (données de 2016)

On le voit donc, le fait que plusieurs marques lancées au moment du boom du wax dans les années 2010 aient mis la clé sous la porte est due pour une grande partie aux difficultés inhérentes à la création et à la croissance d’une entreprise.

Cela étant dit, nous souhaitons mentionner dans la suite ce qui, selon nous, a permis à plusieurs marques de pouvoir continuer d’exister et surtout de continuer à grandir.

  • l’identité de marque

Au début des années 2010, les discours marketing qui accompagnaient les lancements de nouvelles marques étaient ultra simplistes.

Les créatrices et créateurs se contentaient de mettre en avant leur passion pour ces imprimés caractéristiques de la « mode africaine », leur passion et leur volonté de contribuer à mieux faire connaître la culture africaine.

Et cela suffisait. Hélas, ce discours s’est généralisé, et au fil du temps, il sonnait creux voire emprunté et faux.

Les marques qui ont fait un véritable effort de story-telling soit dès le début, soit au fil du temps ont su conquérir leur cible et s’ancrer dans le paysage de manière durable.

L’identité de marque, c’est ce qui distingue une marque et ses créations. Et quand elle n’est pas travaillée, la marque ne peut résister dans le temps, surtout sur un créneau bouché.

  • le marketing

Une chose est d’avoir une identité de marque, une autre est de savoir la mettre en avant dans la manière dont on présente ces produits à sa cible. Lorsqu’on est une jeune marque qui démarre, le manque de moyens financiers fait négliger le poste de dépense marketing. Malheureusement, cela est pénalisant à moyen terme, et même à court terme: pour une marque digitale sans point de vente physique, les photos des produits, les interactions sur les réseaux sociaux jouent énormément dans la conversion de prospects en clients. Et c’est précisément ces apaches qu’ont négligé de nombreuses marques.

Celles qui ont su investir progressivement sur le marketing en mettant en avant leur identité de marque et la proximité avec la cible ont pu tirer leur épingle du jeu.

  • le professionnalisme

La qualité des produits a été souvent décriée au sein de l’univers des marques afro: finitions approximatives, coupes de vêtements non uniformes,…certains marques l’ont payé très cher.

Le professionnalisme, c’est aussi le soin mis dans la communication, l’animation des réseaux sociaux, l’accueil en boutiques pour celles qui en ont…

Cet aspect a beaucoup joué dans l’écrémage qu’a subi le secteur de prêt-à-porter et accessoires.

A l’époque, nous étions déjà tout à fait lucides sur le fait que le nombre de marques diminuerait au fil du temps pour laisser la place aux plus solides et persévérantes. Cependant, il faut aussi noter que des facteurs externes aux marques elles-mêmes ont aussi joué

  • les prix

La cible de clientèle afro (surtout francophone) est connue pour le fait de toujours vouloir réclamer des prix bas quand il s’agit d’investir dans des vêtements faits par des marques afro. Il faut dire que là aussi, le fait que des marques mainstream comme Zara, H&M ou encore Naf Naf se soient mises régulièrement à proposer des imprimés wax a crée une concurrence frontale et fait délaisser les marques artisanales de petits créateurs.

  • la saturation du marché

Il s’agit ici d’une simple règle arithmétique: plusieurs marques qui visent la même cible sans se différencier dans leur approche ne peuvent coexister à la longue.

Les axes de différenciation étaient pourtant là (utilisation d’autres textiles africains…) mais la facilité d’utilisation du wax et sa disponibilité ont rendu beaucoup paresseux.

A côté de ces échecs, il faut noter la percée de marques qui se sont lancées dans cette période

  • Nanawax, créée en 2012 a réussi le pari du prêt-à-porter, de l’expansion en Afrique et de la diversification: 7 boutiques dans 5 pays différents et une très large gamme de produits (vêtements hommes, femmes, enfants, accessoires de mode, ligne de maillots de bain)
  • Maison Château Rouge, créée en 2015, casse les codes avec une boutique située à Château Rouge et de prestigieuses collaborations (Nike, Monoprix, La Redoute)
  • Grass Fields, marque lancée en 2013 par 2 sœurs d’origine camerounaise basées au UK, réalise un énorme volume de ventes sur son eshop avec des tenues 100% wax et contemporaines
  • Lili Création, créée en 2012, possède aujourd’hui 2 boutiques à Abidjan, 3 dans d’autres pays africains et une boutique à Atlanta
  • Plusieurs marques de luxe ghanéennes ont trouvé leur cible: Ajepomaa Gallery, Christie Brown
  • Juneshop, parmi les plus anciennes, a été lancée en 2001 et est toujours en activité

Et ce ne sont là que quelques exemples.

On peut dire que l’heure de la professionnalisation et de la diversification est arrivée. Tous ont compris que le wax n’est pas une fin en soi et que son utilisation comme argumentaire de vente était très loin d’être suffisant.

L’exploration de nouveaux textiles, la personnalisation de l’approche de création et le sérieux apporté au marketing sont désormais des acquis. Nous suivons avec beaucoup d’intérêt les prochaines étapes.

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